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À l’occasion d’un accident causé par un véhicule utilisé dans le cadre d’une entreprise de transport, il est assez courant d’être confronté à un conflit entre deux contrats d’assurance

  •  Le contrat d’assurance de responsabilité civile lié à l’usage de circulation du véhicule
  • Le contrat d’assurance de responsabilité civile lié à l’exploitation de l’entreprise

En d’autres mots, le conflit se pose entre le risque de circulation et le risque d’exploitation. La jurisprudence est abondante dans ce domaine et nous apprend que la frontière entre les deux contrats n’est pas toujours simple à déterminer. Il en découle qu’il est fondamental que les contrats d’assurance souscrits par les transporteurs soient complets et tiennent compte des circonstances attachées à ces cas de conflits.

Portée des contrats

L’assurance ‘Véhicule automoteur’

La souscription de cette assurance est réglementée par la loi du 1er juillet 1956 sur l’assurance obligatoire des véhicules automoteurs. Il s’agit d’une loi d’ordre public.
Parmi les conditions définies par ladite loi sur la portée de la couverture, 3 points sont à retenir :

  • La notion de véhicule automoteur implique un véhicule destiné à circuler sur le sol et actionné par une force mécanique. Cette définition vise aussi les grues montées sur camion, les pelles hydrauliques mobiles et les tracteurs.
  • L’obligation de cette assurance est soumise à la condition d’une mise en circulation sur la voie publique, mais également sur terrains privés ouverts à des personnes ayant le droit de les fréquenter.
  • La Loi précise enfin que sont visés les dommages causés par le véhicule, qu’il soit en état de circulation, mais aussi dans les circonstances où il est en arrêt ou abandonné sans son conducteur.

L’assurance ‘RC Exploitation’

A l’opposé de l’assurance automobile, l’assurance R.C. Exploitation est libre, tant en ce qui concerne sa souscription que son contenu. Ce contrat d’assurance a pour objet, de façon générale, de couvrir le risque des dommages matériels ou corporels mettant en cause la responsabilité extra-contractuelle des assurés, en raison de faits d’exploitation
de l’entreprise. Les polices étant librement rédigées, l’étendue de la garantie peut être délimitée très différemment.
On relève néanmoins dans beaucoup de Conditions Générales :

  •  la couverture du chargement et du déchargement du matériel et des marchandises ;
  •  les véhicules-outils lorsqu’au moment du sinistre ils remplissent exclusivement une fonction d’outil qui ne se rapporte ni directement, ni indirectement à la circulation ;
  • les engins fixes ou mobiles de chantier ou de levage tels que grues, bulldozers, excavateurs, lift-trucks utilisés à usage interne de l’exploitation s’ils ne circulent pas sur la voie publique
  • Les dommages causés par les véhicules automoteurs, lorsqu’ils sont utilisés comme engins de levage, de manutention, de terrassement.

La comparaison de la portée de ces deux assurances fait apparaître les sources de litige et leur complexité. En effet, de tels litiges posent deux questions au juge. D’une part, il doit déterminer si le sinistre rentre dans les conditions de l’assurance légale car, dans ce cas, l’assureur du véhicule sera en tout cas tenu à l’égard de la victime. D’autre part, en étudiant les clauses des polices, il doit décider si le sinistre est compris dans l’une ou l’autre des couvertures contractuelles. Ce double aspect du problème peut entraîner des confusions.

Première catégorie de litiges : les dommages causés directement par le véhicule

Dans cette analyse particulière, il y a lieu de faire une distinction entre les camions et les engins mobiles dont la fonction n’est pas de circuler pour transporter des personnes ou des marchandises (grues, engins de levage, pelle mécanique, etc.). Nous nous limiterons donc à examiner les hypothèses de conflits pour la catégorie des camions. Ce sont les dommages causés par le levage de la benne, au cours de son déchargement, qui sont ici la source de conflits entre les deux assureurs. Le problème a été tranché dans les deux sens dans le cadre de deux décisions exemplaires :

  • Un jugement du 21/12/1966 à Dinant condamne l’assureur RC Circulation du véhicule à réparer l’accident provoqué par le conducteur d’un camion, qui avait endommagé un toit en levant la benne. La décision est justifiée par le fait que « la benne fait partie intégrante du véhicule automoteur, ayant pour objet de recevoir les charges que celui-ci doit par définition transporter » ;
  •  Le Tribunal de commerce de Verviers a décidé, le 3 juin 1971, que c’était au contraire à l’assureur Exploitation qu’incombait l’indemnisation du sinistre né de la faute commise dans le déchargement de la benne, opération qui avait entraîné la rupture d’un câble électrique.

Ces deux décisions reconnaissent que la benne est partie intégrante du véhicule. D’un côté, le tribunal de Dinant considère que le camion, dans sa globalité, reste un véhicule. D’un autre côté, le tribunal de Verviers, considère, pour se part, qu’un camion peut être utilisé à deux fins distinctes (véhicule + outil).

En tant que consultants spécialisés en matière d’assurances pour les transporteurs, il nous appartient de rédiger des clauses adaptées en supprimant les hypothèses de non-couverture ou conflits d’intérêt entre deux assureurs.

Il est donc fondamental que le contrat RC Exploitation d’un transporteur couvre spécifiquement toutes les opérations de chargement et de déchargement de marchandises, que le véhicule soit en mouvement ou à l’arrêt. Cette clause « outil » doit donc tenir compte qu’un véhicule, indépendamment de sa faculté de circulation, doit être couvert pour tout autre type de fonction pouvant causer un dommage à des tiers (benne basculante, hayon élévateur, clark élévateur non immatriculé, grue de chargement, plateau porte voitures, etc).
Cette extension du contrat RC Exploitation évite donc un potentiel défaut de couverture, du fait de la non-intervention du contrat RC Circulation.

Deuxième catégorie de conflits : les dommages causés indirectement par le véhicule

Sont envisagés dans cette hypothèse les dommages causés par les choses transportées ou par des matières qui se détachent des roues ou du châssis. Ici également, nous pouvons nous trouver devant des situations ou l’un ou l’autre des deux assureurs évoqueront un cas de non-couverture. L’assureur RC Circulation évoquant la clause d’exclusion des dommages causés par les choses transportées et ne résultant pas de l’usage du véhicule, l’assureur RC Exploitation évoquant l’exclusion de tous les dommages nés de l’usage de véhicules automoteurs. Envisageons la jurisprudence dans les deux situations :

  • Rappelons l’hypothèse : un accident de roulage est provoqué par la présence, sur la voie publique, de boues ou d’autres matières qui sont reconnues provenir du chargement ou des roues de camions. La responsabilité de l’entrepreneur est mise en cause, du fait de ses préposés. La grande majorité des décisions mettent ce type de sinistre à charge de l’assureur RC Véhicule et non de l’assureur RC Exploitation. En effet, on ne peut pas considérer que les dépôts tombés du véhicule sont assimilables à des marchandises et donc résultent bien de l’usage du véhicule. Le Code de Roulage précise également l’existence d’une faute dans le chef du conducteur. La responsabilité civile de l’entrepreneur pourra néanmoins être visée dans l’hypothèse ou les conducteurs n’ont pu être identifiés à l’instar de la firme pour laquelle les transports ont été effectués (exemple : dépôt de terre à la sortie d’un chantier).
  • La seconde hypothèse concerne les accidents provoqués par la chute sur la voie publique de marchandises transportées par le véhicule. La distinction fondamentale qu’il y a lieu de faire pour l’application de l’un ou de l’autre contrat concerne le fait de savoir si, au moment du sinistre, le véhicule était en circulation ou à l’arrêt. La chute d’une marchandise lorsque le véhicule est à l’arrêt (opération de chargement ou déchargement) relève exclusivement du contrat RC Exploitation et il s’agit de la seule exception. Dans toutes les autres hypothèses, dès que le véhicule est en mouvement, la responsabilité civile automoteur est applicable pour toutes les conséquences (frais de déblaiement, dommages directs aux tiers, frais consécutifs à fermeture de la voie de circulation, etc.)

Conclusions

L’analyse à laquelle nous venons de procéder manifeste à quel point la situation peut être source de litiges, débouchant sur des décisions souvent confuses et contradictoires ; le tout se soldant par des retards dans les règlements, qui pénalisent les victimes et, sans aucun doute, par des répercussions sur le coût des polices, dont pâtissent les assurés. Ce constat nous pousse à conseiller à nos assurés de souscrire les deux polices auprès de la même compagnie. Nous pouvons cependant tenter de résumer les règles suivantes :

  •  Lorsque la police R.C. Exploitation exclut les « véhicules », l’usage d’un engin de chantier n’est pas assuré, quelles que soient les circonstances – à moins que l’engin n’ait perdu sa qualité de véhicule, en reposant par exemple sur des vérins ou des béquilles.
  • Si la police R.C. Exploitation n’exclut que les « voitures » ou « automobiles », ou si la clause fait référence à l’assurance obligatoire qui ne vise que la circulation, il faut faire les distinctions suivantes :
    a. l’engin ne travaille pas (il se déplace d’un chantier à un autre, est à l’arrêt, en stationnement, etc.) : il est couvert par l’assureur du véhicule;
    b. l’engin, à poste fixe, se livre comme outil à un travail : il est couvert par l’assurance R.C. Exploitation;
    c. l’engin exécute, en se déplaçant, un travail avec son appareillage spécialisé :
    – s’il travaille en un point fixe, avec des manoeuvres aux alentours immédiats, il est couvert par l’assureur R.C. Exploitation;
    – il est couvert par l’assurance automobile dans tout autre cas.
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